Votre herbier pas comme les autres !
Un herbier (ou Herbarium) est une collection de plantes séchées – rien avoir avec les tisanes de tata Jacqueline, on vous rassure – initialement conservées à des fins scientifiques. Remontant pour les premiers au 16ème siècle, ils constituent une base indispensable au travail des botanistes et les recherches en phytotaxonomie (le classement des noms des plantes).
Les herbiers du monde sont périodiquement répertoriés dans un Index Herbarorium et on estime à 300 millions le nombre de spécimens séchés et conservés à travers le monde. Les Etats-Unis totalisant 60 millions d’échantillons répartis dans plus de 600 herbiers et la France quelques 20 millions répartis dans 55 herbiers. C’est l’herbier général du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris qui possède la plus grande collection mondiale avec plus de 8 millions de spécimens !
Les herbiers constituent donc une source documentaire irremplaçable pour les botanistes qui peuvent désormais les consulter en ligne ou sur place dans les cas où une étude « en direct » s’avère nécessaire pour leurs travaux (Les racines de la botanique).
Désormais, les herbiers et fleurs séchées ne se contentent plus d’occuper les étagères poussiéreuses des conservatoires botaniques pour un petits nombre d’érudits, ils envahissent désormais les boutiques design et nos intérieurs ! Passionné·e·s de biodiversité, de nature, de design ou d’anciennes planches botaniques, vous pouvez vous aussi réaliser votre propre herbier afin d’habiller vos murs en révélant une petite part de votre histoire… Alberto Eiguer ne disait-il pas « Montre-moi ta maison je te dirai qui tu es » ? Pour lui, « À la fois refuge où se joue la part la plus intime de notre vie, et vitrine dans laquelle s’exposent nos goûts et nos valeurs, notre intérieur dit tout de nous, de nos souvenirs, de ce que nous sommes et de ce que nous vivons les uns avec les autres réunis sous le même toit ».
Si vous nous suivez dans nos envolées botanique & Co, c’est que vous sentez que cette nature dont nous avons tant besoin dans nos habitats ne doit plus être réduite à un simple élément périphérique, dérisoire. Vous connaissez tous cette expression « faire la plante verte », lorsque l’on parle d’une personne qui semble être insignifiante, juste là pour « faire joli » ? Sortons de ce carcan et remettons le végétal à sa juste place. Vous êtes partant ?
Après avoir lu cet article, vous connaitrez tous nos secrets afin de réaliser un herbier qui parle de vous, qui raconte un moment de votre vie ou celle d’un de vos proches. A conserver précieusement chez soi ou à offrir : prendre le temps et donner un sens aux choses que l’on fait n’a décidément pas la même saveur ;o)
« Je ne connais point d’étude au monde qui s’associe mieux à mes goûts naturels que celle des plantes »
Les Confessions, Jean-Jacques Rousseau.
JJ Rousseau composait de petits herbiers qu’il aimait offrir à ses amies…
Votre herbier en 5 étapes :
1. Quelle histoire voulez-vous raconter ?
Si les botanistes constituent les herbiers dans un souci de classement, d’identification selon des normes phylogénétiques – sans a priori – nous, au contraire, nous vous proposons de définir un thème qui vous guidera dans la construction de votre herbier. Chercher un sujet qui vous tient à cœur, qui vous parle : celui de votre jardin, des plantes qui poussent sur le bitume de votre quartier, un souvenir d’une fête de famille à la campagne, les fleurs dont le nom commence par la même lettre ou qui ont une couleur similaire, etc. il n’y a pas de limites à votre imagination. Dans ce tuto, nous avons choisi de conserver des plantes qui nous ont accompagnés pendant la période de confinement. Nous souhaitions ancrer ce moment complètement improbable et à la fois tellement réel dans une réalisation qui n’appartient qu’à nous.
Dans cet état d’esprit, nous vous recommandons vraiment de créer votre herbier en famille, avec des amis ou des voisins pour que chacun vienne enrichir ce petit moment d’éternité. Car vous l’avez compris maintenant, un herbier n’est pas juste « coller des plantes sèches dans un cahier » !
2. Le prélèvement
Une fois l’idée de votre herbier trouvée, il vous faut récolter les spécimens. Attention toutefois à ne pas prélever dans la nature les espèces protégées ; si vous avez un doute, la liste se trouve ici. Avant de vous lancer, nous vous conseillons de sortir quand le temps n’est pas trop chaud ou venteux, les plantes sont plus fragiles par temps sec. Le mieux est de partir en expédition après un ou deux jours de pluie. Nous vous recommandons d’utiliser une boite hermétique (une « boite à herboriser ») ou des sachets appropriés pour y déposer vos récoltes. Prélevez de préférence les plantes entières (tiges, feuilles, fleurs, fruits, voire racines), pas trop grosses et pas trop ligneuses sinon vous aurez du mal à les faire sécher. Évidemment, les dimensions de certaines plantes ne se prêtent pas facilement à la constitution d’un herbier : difficile de récolter un érable entier ou même une grande plante annuelle comme le tournesol… Dans ces cas là, le prélèvement en « kit » est plus approprié. Pour un érable, prélevez une feuille, une fleur, un fruit (samare) ; pour le tournesol prélevez une petite feuille et quelques pétales (qui ne sont pas vraiment des pétales d’ailleurs mais des fleurs stériles ou ligules mais c’est encore une autre histoire de botaniste…). Certaines plantes se prêtent mal à la conservation en herbier, comme les plantes succulentes (plantes grasses), les plantes à pourrissement rapide ou les plantes aquatiques mais avec un peu de pratique vous vous en sortirez sans problème.
3. Retour au camp de base… comme disent les botanistes
- Dépêchez-vous de rentrer à la maison pour procéder à l’étape-clé de la préservation : le séchage et le pressage. Voici l’étape barbare : munissez vous de préférence de papier journal, d’une pince à épiler, de grands et gros livres (catalogues, bottins téléphoniques du 20ème siècle, etc.).
- Prenez une grande page de papier et disposez vos trésors sur un côté de la feuille, bien étalés à plat en vous aidant de la pince à épiler. Il faut la disposer de telle façon, qu’aucune de ses parties n’en chevauche une autre ; à ce stade l’ennemi est le faux-pli, à la fois inélégant et désastreux, puisque c’est à son niveau que l’exemplaire séché cassera.
- Repliez la feuille en deux et glissez-la entre les pages du gros livre que vous refermez aussi sec pour aplatir le spécimen. N’oubliez pas de mettre aussi une étiquette dans la chemise papier pour vous souvenir du nom de la plante, de la date et du lieu de récolte…
- Disposer d’autres livres par-dessus le catalogue, voire un poids conséquent, pour un pressage fort et homogène. Certains puristes utilisent pour le séchage/pressage plusieurs couches de papier journal et insèrent les plantes entre deux papiers buvard immaculés entre les couches de journal. Mais là c’est vous qui mettez votre touche personnelle en choisissant votre méthode.
A partir de cette étape, il faut s’armer de patience mais aussi se souvenir des plantes qu’on a mises à sécher… En fonction des espèces que vous avez prélevées, il faudra changer régulièrement le papier journal en fonction du taux d’humidité du spécimen. En effet, le papier absorbe peu à peu l’eau contenue dans les tissus de la plante et optimise son séchage. Le séchage peut prendre quelques semaines pour les plantes les plus menues (muguet, myosotis, etc.), et jusqu’à un mois voire plus, pour les gros spécimens, en particulier les plantes « grasses » et bien charnues (sédums). Dans l’exemple que nous décortiquons avec vous, nous avons laissé sécher nos plantes 5 semaines.
4. La mise en scène
Vient alors l’ultime opération, la récompense de tous vos efforts, l’instant où la presse est détruite et où l’on découvre les merveilles devenues plus fragiles que des coraux. Il faut être hyper méga top minutieux et précautionneux : les manipuler avec des pinces fines. Nous, on utilise des pinces brucelles (pinces spéciales d’horlogerie utilisées aussi par les botanistes), mais une pince à épiler fera très bien l’affaire. Pour optimiser le côté esthétique, laissez de coté les pièces végétales marbrées de marron qui n’ont pas séché correctement et assurez-vous que les couleurs, notamment des pétales, soit restées quasiment intactes.
Positionner vos souvenirs – avant de les coller définitivement – comme bon vous semble sur une page de papier cartonné à fort grammage en ne manquant pas de laisser libre cours à votre imagination. La rigueur du botaniste n’a ici que peu de place : si quelques fleurs se sont détachées de leur tige, vous pouvez les disperser çà et là… la poésie qui en émergera sera des plus magiques !
Nous, on a choisi un papier gris anthracite et des étiquettes de couleur crème afin de créer davantage de contraste et de suggérer un peu de volume.
Pour la fixation, on utilise une colle universelle en stick, mais un ruban adhésif très fin ou du papier gommé pour accentuer le côté « artisanal » peut être du plus bel effet. L’art de l’herborisateur est avant tout de mesure, d’équilibre et de compromis : il est possible d’inclure un maximum d’éléments dans un minimum d’encombrement. Lorsque la plante s’y prête, on peut la coller tout entière (même avec les racines) ou sinon, pour les grands spécimens, une simple fleur, une grande feuille et si l’on est habile avec un scalpel, une coupe mince de l’organe trop encombrant effectuée avant le séchage.
N’oubliez pas d’inscrire sur la feuille, à l’encre de Chine ou au stylo à calligraphie le nom commun de la plante avec son nom latin entre parenthèse (et en italique, oui madame !), la date et le lieu de récolte pour constituer votre herbier thématique (plantes de bitume, fleurs du jardin de mamie, etc.). Vous pouvez cependant inscrire le souvenir que chaque plante vous inspire plutôt que son nom…
5. Et voilà !
Votre planche d’herbier est prête. Il vous est maintenant possible de la mettre en scène à votre guise : dans un cadre avec ou sans verre à afficher dans votre salon ou dans la chambre des enfants, dans un classeur regroupant plusieurs planches séparées par des papiers calque, à l’instar un album photos de famille que vous pourrez relire à votre guise…
Nous, on a inséré notre herbier à l’intérieur d’un cadre plutôt « classique », chiné il y a quelques années aux Puces du Canal, mais « contemporanisé » (si, si, ce mot existe bien) par nos soins au moyen d’un beau noir charbon mat.
Dans tous les cas, veillez à conserver et exposer votre œuvre dans un endroit frais et sec et surtout à l’abri du soleil direct ; les UV ont tendance à faire passer les fragiles couleurs et contribuent au vieillissement prématuré des tiges.
Une question, un conseil supplémentaire pour fabriquer votre herbier sur mesure, écrivez-nous. Et si vous avez la flemme, nous pouvons aussi réaliser l’herbier de vos rêves ;o)
Pour aller plus loin
Alberto Eiguer*, psychiatre et psychanalyste. Entretien avec Anne Laure Gannac, janvier 2019
Liste des espèces de plantes protégées en France (UICN)
Aude TOULOUSE
10 juillet 2020at11 h 43 minMerci pour ce partage… une histoire de patience!!!!
Thomas et Arnaud
14 juillet 2020at13 h 13 minBonjour Aude. Prendre le temps nous permet de prendre conscience de sa qualité… À très bientôt sur notre blog ou ailleurs