Une souris verte…
Derrière le début d’une comptine, se cache de temps en temps une tout autre histoire… Dans un précédent post, nous vous avions parlé de la biologie des plantes qui a faitde nous des scientifiques et des botanistes passionnés et rigoureux, mais surtout de bons paysagistes. Nous avons décidé aujourd’hui de vous parler des plantes de « laboratoires » et d’une, en particulier, qui a fait l’objet de toutes les attentions des scientifiques à la fin du 20èmesiècle. Comme les laborantins travaillent avec des souris blanches pour comprendre les mécanismes du vivant, les biologistes des plantes travaillent aussi avec des souris « vertes » pour connaitre, comprendre et cultiver les plantes.
Le scientifique le plus connu qui s’est intéressé aux plantes était… un moine mais aussi un botaniste du 19èmesiècle : Gregor Mendel. Grâce à ses observations et investigations sur les croisements entre différentes variétés de petits pois, il est considéré comme le père de la génétique ; c’est à dire des lois qui définissent la manière dont les gènes se transmettent de génération en génération. De nos jours, les biologistes des plantes travaillent avec de nombreuses espèces de plantes mais une seule a su tirer son épingle du jeu pour être nommée « modèle » à partir de 1998 et être la première à avoir ses gènes complètement « décortiqués » en l’an 2000 : l’arabette des dames, Arabidopsis thaliana.
Arabido quoi ?
Qu’est-ce que c’est que cette plante qu’on ne connait pas ? Elle se mange ? Elle a de jolies fleurs ? A priori, vous seriez déçu·e·s par les réponses… L’arabette des dames est une petite plante annuelle eurasiatique, très répandue sur les bords des chemins jusque dans nos jardins mais très discrète, car ne dépassant pas plus de 20 cm de haut. Avec une rosette de feuilles un peu poilues et une tige qui porte de toutes petites fleurs blanches, qui aurait pu penser qu’elle puisse être à l’origine de tant de connaissances ?
Plus de 75 000 articles et livres scientifiques lui sont consacrés ! Parce qu’il faut bien l’avouer, beaucoup d’entre nous la considèrent comme une « mauvaise herbe » au jardin et nous lui préférons ses cousins les plus proches : les choux (Brassica oleracea), radis (Raphanus sativus), colza (Brassica napus) & Co.
Mais pourquoi ce buzz ?
Tout d’abord, vu qu’elle est petite, elle se prête mieux que le séquoia à l’hébergement en grand nombre dans les laboratoires. Tout comme les souris, elle se reproduit vite et toute l’année : entre le moment où la graine germe et le moment où la plante donne de nouvelles graines, il ne se passe même pas 6 semaines. Non seulement elle est « rapide »mais en plus très prolifique : une seule plante produit jusqu’à 40 000 graines (là, c’est vraiment beaucoup plus que les souris). On peut donc étudier de nombreux caractères génétiques transmis à sa descendance, elle aussi nombreuse.
Mais son plus gros atout est la petite taille de son génome, c’est à dire la quantité d’ADN à l’intérieur de chaque cellule.
Car c’est bien dans l’ADN que se cachent les informations génétiques, ou si vous préférez, la notice de fabrication et de fonctionnement des êtres vivants. Donc, avec son petit génome, de l’ordre de 130 millions de « bases » (petites lettres qui composent les « mots » de l’information génétique, les gènes), Arabidopsis thaliana fut la candidate idéale pour découvrir ce que recèle l’ADN des plantes. Son génome compte toutefois plus de 25 000 gènes, ce qui fait que l’on peut écrire des phrases d’information génétique complètes, voire des romans ! En comparaison, le blé (Triticum aestivum) a non pas un, mais plusieurs génomes de 15, 5 milliards de bases au total, soit 120 fois plus grand que celui d’Arabidopsis et, par conséquent, bien plus dur à déchiffrer !
« Plante modèle »! Pour quoi ? Pour qui ?
Pourquoi se concentrer sur une seule espèce qui a priori ne sert à rien à l’être humain ? Il faut savoir que même si toutes les espèces sont différentes, les grands mécanismes du vivant sont conservés d’une espèce à l’autre chez les plantes. Ce que l’on apprend chez Arabidopsis thaliana peut donc être appliqué chez d’autres espèces et en particulier sur les espèces de la même famille.
Grâce à Arabidopsis, on a compris pourquoi et comment le chou-fleur avait cette forme si différente des autres choux. On a même découvert que certains gènes impliqués dans la division des cellules sont les mêmes chez les champignons, les plantes et aussi les animaux !
Les recherches sur Arabidopsis thaliana ont permis, notamment, de comprendre comment les plantes font la différence entre le jour et la nuit, comment elles décident de faire des fleurs ou des feuilles, comment elles ressentent les contraintes physiques de leur environnement, comment elles ont évolué, etc. Néanmoins, vous vous en doutez, les plantes étant quand même toutes différentes les unes des autres (herbacées ou ligneuses, annuelles ou pérennes, plantes à graines ou plantes à spores, etc.), ce qui est vrai pour certaines ne l’est pas complètement pour d’autres.
Beaucoup de choses sont encore à découvrir… Et c’est tant mieux ! Alors suivez-nous ;o)
Pour aller plus loin
Arabidopsis thaliana : plante modèle (2011) de Hela Mahmoudi
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