Glamour & Végétal : Les orchidées, épisode 2/2
Pour rentrer directement dans le vif du sujet, parlons du labelle, et plus particulièrement de celui des sulfureux ophrys et de son coté animal qui trouble les insectes, ou encore de celui de l’Himantoglossum hircinum dit orchis bouc (assez reconnaissable à son odeur forte… de bouc ?!!) et de sa longueur démesurée. On peut aussi vous parler de celui de l’Orchis anthropophora et de sa forme de « bonhomme bâton » (autrement appelé Orchis « homme pendu »).
Il est toujours agréable de traverser ces champs d’orchis qui peuvent s’étendre à perte de vue.
Ce que l’on peut retenir, c’est que si la plupart des labelles sont un peu plus discrets que ceux-ci, ils sont toujours colorés ou tachetés comme ceux de Orchis purpurea. De véritables sources d’émerveillement.
Pour les plus aguerris, le moyen d’identifier une orchidée à coup sûr est de regarder de plus près son « intimité ». Ah ! ça y est on y est. En effet, les scientifiques s’accordent tous pour classer les plantes dans différentes familles en fonction des caractéristiques de leurs fleurs. Outre le labelle, la clé de détermination des orchidées est l’organisation de leurs organes reproducteurs, pistil (organe femelle) et étamines (organes mâles portant le pollen). Alors que ces organes sont toujours séparés chez toutes les fleurs, chez les orchidées, pistil et étamines sont fusionnés en une structure à laquelle on a donné le nom barbare de gynostème.
Ce gynostème est une structure en forme de colonne au centre de la fleur sous laquelle se trouvent les pollinies (partie mâle) et le stigmate (partie femelle). Mais bon, si on n’est pas un insecte, pour accéder au gynostème il faut malheureusement disséquer la fleur en enlevant ses pétales (« tépales » pour les puristes de la botanique).
La presque totalité des orchidées sauvages est dite « allogame », c’est à dire que leur reproduction nécessite la fécondation du pistil d’une fleur par le pollen d’une autre fleur de la même espèce.
Mais chez les orchidées, à l’inverse de bon nombre de plantes, le pollen agglutiné en de petites masses (pollinies) est trop lourd pour être dispersé par le vent. La stratégie de fécondation qu’a donc choisie les ophrys est d’utiliser un insecte, dit pollinisateur, et plus spécifiquement un insecte pollinisateur mâle… Car oui, l’ophrys est une grande séductrice qui a développé au cours de l’évolution un mimétisme assez bluffant ! La forme et la texture du labelle des ophrys imitent le corps de l’insecte femelle. Ainsi, chez les orchidées attirant les abeilles sauvages, comme dans l’exemple d’ophris bourdon, le labelle est couvert de poils afin de ressembler le plus fidèlement possible aux femelles. Pour des raisons qui nous semblent évidentes, il est inutile d’essayer de transposer cette technique à l’espèce humaine.
Et ça ne s’arrête pas là, ces orchidées ne produisent pas de nectar, mais libèrent une odeur qui ressemble à la phéromone sexuelle de l’espèce qu’elle imite. Les mâles attirés par ce parfum perdent la tête et tentent alors de s’accoupler avec elles. Puis, frustrés, mais plus obstinés que jamais après cet acte avorté, les dits insectes partent à la recherche d’une partenaire qui leur semble plus appropriée en emportant avec eux les pollinies détachées du gynostème vers une autre fleur de la même espèce et la fécondent.
«Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle…»
Ophrys speculum
Pour ce qui est de l’ophrys miroir (Ophrys speculum). Son nom lui vient de la tâche brillante au niveau de son labelle. Nous l’avons rencontré lors d’un trek en Sicile, au printemps 2011. Elle est extrêmement rare en France et ses populations sont peu stables étant donné que l’insecte qui la pollinise habituellement – Campsoscolia ciliata, un insecte de la famille des abeilles – y est quasi absent.
Quoi qu’il en soit veillez à admirer la floraison de ces plantes sans les cueillir ou même les toucher… Car attention, nos orchidées sont aujourd’hui menacées de disparition. Les raisons sont multiples, mais elles sont toutes liées, de près ou de loin, à l’activité humaine. Qu’il s’agisse de la raréfaction des milieux naturels ouverts (prairies, friches, zones humides, etc.) – le plus souvent au profit d’une intensification des pratiques agricoles ou d’une urbanisation croissante -, de la réduction des populations d’insectes polinisateurs qui impacte les espèces se multipliant par reproduction sexuée ou encore de la fauche – à la fois trop précoce et souvent trop systématique des bords de routes, des parcs et des espaces verts -, l’Homme n’est jamais bien loin…
… mais on ne touche qu’avec les yeux !
Des mesures de protection peuvent être mises en oeuvre pour préserver ces espèces d’orchidée. Certaines d’entre elles sont au demeurant inscrites sur des listes de protection, qu’elles soient nationales ou régionales. Mais pour les autres, ne cherchez pas à prélever des tubercules (système racinaire de la plupart de nos espèces) dans la nature pour les replanter chez vous ou dans un pot, par exemple… elles mourront, inévitablement. Ces plantes sont, pour la plupart d’entre elles, extrêmement sensibles à la nature du sol et établissent une relation très étroite et très spécifique (on parle de symbiose) avec des champignons eux aussi très spécifiques et forment des mycorhizes, qui leurs apportent les éléments minéraux et l’eau dont elles ont besoin, en contrepartie de la fourniture de sucres et acides aminés. C’est « donnant-donnant » !
Pour en savoir plus
Si comme nous vous vivez à Lyon ou dans sa région, nous vous conseillons l’ouvrage « À la rencontre des Orchidées sauvages de Rhône-Alpes », rédigé par le Collectif de la Société Française d’Orchidophilie Rhône-Alpes sous la coordination de Dominique Bonaldi et de Gil Scappaticci, aux éditions Biotope. Outre des descriptions extrêmement précises tant de la région et de ses caractéristiques géologiques et climatiques, que de la biologie des Orchidées et des moyens de les préserver, les auteurs vous proposent des itinéraires de randonnées afin de les découvrir au fil des saisons.
Vous trouverez également de nombreux renseignements sur le site de la Société Française d’Orchidophilie : www.sfo-asso.com
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