Les racines de la Botanique
Η βοτανικη quésaco !?
La botanique – la science des plantes – est un mot qui nous vient du grec ancien et plus précisément de « botané » qui veut dire « herbe » (« βοτανη » quand on cause la langue de Platon !).
La botanique permet d’identifier, de nommer et de classer les plantes dans le grand arbre généalogique des espèces. D’ailleurs, un outil indispensable des botanistes anciens, et même actuels, n’est-il pas « l’herbier » ? Vous savez ces grands livres avec des plantes et des fleurs séchées annotées…
Nommer une chose, c’est commencer à la comprendre
Vous l’avez sans doute remarqué dans nos articles, chaque fois que nous citons une plante, nous essayons systématiquement d’employer son nom complet botanique, c’est à dire son nom binomial (en deux mots) en latin et en italique. Bon d’accord une science dont le nom vient du grec et qui emploie systématiquement le latin, il y a de quoi le perdre… son latin ! Et, vous le savez maintenant, l’emploi du nom latin permet de lever toute ambiguïté sur l’identité de la plante dont on parle et surtout de pouvoir échanger sur telle ou telle plante avec des personnes qui ne parlent pas la même langue que nous.
« La botanique est l’art de dessécher des plantes entre des feuilles de papier buvard et de les injurier en grec et en latin »
Alphonse Karr
Mais comment en est-on arrivé là ? Qui a décidé qu’on donnerait des noms latins ?
C’est Théophraste, un des tout premiers botanistes grecs, autour de l’an -300, qui a commencé à décrire, nommer et classer de nombreuses plantes et champignons. Les romains ont continué à faire progresser le vocabulaire et la classification comme Pline l’ancien au début de l’ère chrétienne avec son Historia naturalis. Plusieurs scientifiques et botanistes européens se sont succédés au cours des siècles suivants pour compléter l’inventaire. Carl von Linné, au 18èmesiècle, a établi les bases de la nomenclature scientifique moderne. Et c’est en 1867 à Paris, que les Règles Internationales de Nomenclature Botanique établies par le français Alphonse de Candolle ont été adoptées par toute la communauté scientifique.
Un air de famille… toute une histoire !
Nous avons bien conscience que les plantes sont très différentes les unes des autres bien que certaines présentent un air de famille. Une mousse ça ne ressemble pas vraiment à un séquoia, mais un pommier ressemble furieusement à un poirier. Leur lien de parenté est évident, ils appartiennent à la même famille botanique des Rosacées. Mais cela peut parfois être trompeur ! Si l’on s’en tient à cette règle de ressemblance visuelle, est-ce que selon vous un nénuphar et un lotus appartiennent à la même famille ? Eh bien non. Absolument pas ! Le lotus appartient à la famille des Nélumbonacées alors que le nénuphar appartient à celle des Nymphéacées. Si les deux familles se ressemblent, c’est simplement parce qu’elles ont adopté des stratégies évolutives similaires afin de s’adapter à leurs conditions environnementales. On parle de convergence évolutive.
Alors, afin d’identifier les plantes et de les organiser en différentes familles, les botanistes ne regardent pas la forme générale de la plante, ni la forme de leurs feuilles, pas plus que celle de leurs racines. Pour les connaître et les reconnaître on regarde leur intimité : leur système reproducteur, c’est-à-dire, la fleur.
Nous vous avions déjà parlé de la fleur si particulière des orchidées dont les organes reproducteurs sont fusionnés en un seul organe, le gynostème. Les botanistes ont donc tout naturellement classé dans la même famille toutes les plantes présentant cette caractéristique. La famille des Orchidacées était née.
En de rares occasions, il est plus difficile de classer certaines plantes en fonction de leurs fleurs tant celles-ci ne ressemblent à aucune autre.
La rafflésie (Flower Power) a été classée dans une famille rien qu’à elle (les Rafflésiacées) vu l’originalité de sa fleur. Les techniques modernes comme l’analyse de son ADN ont conduit certains botanistes à la placer dans la famille des Euphorbiacées… Le débat n’est pas encore tranché et on admet aujourd’hui les 2 classifications.
Pour en revenir à notre lotus, l’utilisation de marqueurs génétiques présents dans l’ADN a permis des découvertes surprenantes, comme la relation de parenté entre les Nélumbonacées (groupe du lotus)… et le groupe réunissant la famille des platanes (les Platanacées) ! D’un seul coup, nos bons vieux platanes retiennent davantage notre attention, non ?
Alors comment expliquer une telle divergence entre deux groupes ?
Eh bien, il faut imaginer qu’il y a très très très longtemps, existait un ancêtre commun qui, génération après génération, a évolué différemment selon son environnement (milieu aquatique versus milieu terrestre) ou encore suite à la séparation des continents dans le cadre des mouvements des plaques tectoniques. Le groupe des lotus aurait ainsi perdu peu à peu son port érigé aérien afin de le confier totalement à un tiers : l’eau. Et l’évolution se faisant lentement, mais surement, un nombre important de formes intermédiaires peu adaptées/adaptables aurait disparu sans laisser de trace…
La botanique est aussi une science de débats en perpétuelle évolution !
Mais la classification ne se limite pas seulement à « ranger » les plantes par familles, on a aussi regroupé les familles botaniques en Ordres, les Ordres en Classes et les Classes en Embranchements.
Par exemple, le pédigrée complet du pêcher (Prunus persica Linné, « le prunier de Perse » décrit par le botaniste Linné) est :
- Regnum (règne) : Plantae
- Subregnum (sous-règne) : Tracheobiontae
- Divisio (embranchement) : Magnoliophytae
- Classis (classe) : Magnoliopsida
- Subclassis (sous-classe) : Rosidae
- Ordo (ordre) : Rosales
- Familia (famille) : Rosaceae
- Genus (genre) : Prunus
- Species (espèce) : persica
Bon, il existe aussi des sous-espèces et des variétés ! Mais pour l’instant, on va se contenter des regroupements par familles.
Comment les reconnaître quand on les rencontre ?
Étant donné que pour nommer et classer les plantes on se réfère à la forme de la fleur, il en va de même pour les reconnaître dans les champs, les forêts, les terrains vagues… Muni·e de votre livre de référence qu’on appelle « une flore », vous serez à même de reconnaître n’importe quelle plante en fleur et d’impressionner vos ami·e·s.
Les flores donnent les caractéristiques principales des fleurs étapes par étapes – ce que l’on appelle « les clés de détermination » – et permettent, en « décortiquant » une fleur donnée, de remonter jusqu’au nom de la plante qui la porte. Une des plus célèbres flores, plébiscitée par les universitaires est celle de Gaston Bonnier (1853-1922). Celle-ci se décline en plusieurs ouvrages parmi lesquels : la grande flore en couleur (4 tomes – 1886-1896), le nom des fleurs trouvés par la méthode simple sans aucune notion de botanique (1909) et la flore complète portative de la France, de la Suisse et de la Belgique (1909, 1929). Ce dernier ouvrage en noir et blanc, sans photos ni belles histoires, est destiné à un public averti. Mais pas de panique ! Des ouvrages tout aussi précis – et moins lourds si nous parlons des 4 tomes de la grande flore – avec des planches et des photos sont disponibles pour nous permettre à coup tout aussi sûr d’identifier les plantes que nous rencontrons.
Et si vous ne vous séparez jamais de votre smartphone, même en balade, des applis d’identification de plantes sont disponibles gratuitement et tout aussi fiables grâce à l’intelligence artificielle (IA). Nous vous recommandons fortement l’appli PlantNet qui a été développée conjointement par le Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA).
Et les plantes qui n’ont pas de fleurs, comme les fougères ou les conifères, comment les reconnaitre ? Les botanistes y ont pensé et donnent d’autres clés de détermination dans les flores disponibles.
Le métier de botaniste n’a jamais été aussi contemporain…
La botanique est née il y a plus de 2000 ans et les botanistes d’aujourd’hui sont plus que jamais sur le devant de la scène. Marc Jeanson – docteur en systématique végétale, botaniste et conservateur de l’Herbier du Museum National d’Histoire Naturelle – pense qu’au 18èmesiècle ont aurait qualifié son métier « d’inventeur de plantes ». Selon lui, « Être botaniste, c’est aimer le terrain, la boue, les nuages. Et l’inconnu : ceux qui ont donné leur nom aux plantes, les ont découvertes et classifiées, et ont élevé au rang de science le plaisir du vagabondage. ».
Jusqu’à présent, seulement 15% des espèces vivantes (animales & végétales) ont été décrites et répertoriées.
Les botanistes ont encore du pain sur la planche !
Par ailleurs, 2 botanistes à fond dans leur époque, Boris Presseq (botaniste au Museum de Toulouse) et Pierre-Olivier Cochard (naturaliste de l’association « Nature en Occitanie ») écrivent à la craie les noms des plantes sauvages qui poussent sur les trottoirs de la ville et font prendre conscience aux citadins de la nature qui les entoure jusque sur le bitume.
Chacun d’entre nous peut aussi devenir un botaniste, en fonction de ses aspirations et même en restant dans son fauteuil… un botaniste en herbe, quoi !
Un programme – les Herbonautes – lancé en 2014 par le Muséum national d’histoire naturelle permet d’accompagner la numérisation de plus de 6 millions de spécimens de plantes.
Ces collections font de cet Herbier national le plus grand et le plus ancien au monde.
La botanique c’est ringard ?
Nous avons tous en mémoire les quelques fleurs, qu’enfants, nous cueillions avant de les faire sécher et de les assembler pour les offrir à nos mères. En ce qui nous concerne, nous avons aussi le souvenir des longues sorties sur le terrain avec nos professeurs de botanique, dans les campagnes mais aussi sur le campus de l’Université de Paris-Saclay. Ces herbiers ainsi constitués, et qu’elle qu’en soit la raison, sont autant d’élément qui nous ont permis de mieux connaitre et donc de respecter le monde végétal.
Aujourd’hui encore, réaliser un herbier pour se rappeler le jardin qui a hébergé nos jeunes années, pour ne jamais oublier un moment fort de nos vies ou chiner des herbiers déjà réalisés et présentés sous verre pour la décoration de nos intérieurs redevient tendance ! Il n’y a qu’à regarder les magazines de décoration…
Et pour nos jardins ? Que signifie le phénomène qui consiste à planter un piquet avec une étiquette en métal, en ardoise ou encore en céramique sur laquelle il est inscrit le mot « Thym » devant un pied de thym ? Ce n’est qu’un début, mais n’est-ce pas encore ce que l’on appelle une mode ?
Alors soyons « tendance » et lançons-nous à cœur et corps perdu dans l’univers fabuleux de la botanique !
Pour aller plus loin
Quelques flores que nous utilisons
– Flore complète portative de la France, de la Suisse et de la Belgique. Gaston Bonnier et Georges de Layens. Éditions Belin, 1909
– Petite flore de France, Belgique, Luxembourg, Suisse. Auteurs : Régis Thomas, David Busti & Margarethe Maillart. Illustrations : Julie Poinsot & Dominique Mansion. Éditions Belin, 2016
– PlantNet
Si vous voulez apporter votre brin d’herbe à la prairie des Herbonautes
Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Paroles de botaniste
– Marc Jeanson & Charlotte Fauve. 224 pages. Grasset. 2019
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