Let’s move !
En cette période où nous sommes bien malgré nous, limités dans nos mouvements, nous avons choisi de vous parler d’êtres vivants dont le mode de vie est très casanier. Le grand chêne que l’on a admiré lors d’une balade en forêt, notre pivoine préférée dans le parc où l’on aime se promener au mois d’avril, l’abricotier du fond du jardin qui nous régale tous les étés. Ils seront toujours au même endroit… pas comme notre chat que l’on cherche partout tout le temps !
Nous n’en avons pas vraiment conscience car nous y sommes tellement habitués, mais les plantes sont des êtres vivants qui passent toute leur vie à la même place sans bouger. Quoique… ne faudrait-il pas regarder le mouvement avec d’autres lunettes que les nôtres, trop humaines ???
Comment se fait-il qu’il y ait des plantes (presque) partout sur la planète ?
Dans les fissures des murs, dans le moindre espace de terre, les plantes sont présentes. Comment sont-elles arrivées là si elles ne bougent pas ? Qui les a amenées ? Elles ne sont quand même pas venues avec leurs petites jambes ? Et si l’on envisageait le mouvement dans une dimension intergénérationnelle, par exemple ?
Ainsi, pour se disséminer et coloniser la terre et même les océans, elles ont inventé des stratégies pour se déplacer, comme des passagères clandestines, sous forme de graines. En effet, pour se reproduire, les plantes dites supérieures produisent des graines, des concentrés de vie, dormants et résistants qui germeront quand les conditions seront réunies et quand elles auront trouvé l’endroit qui leur plait…
Certaines plantes utilisent le vent pour disséminer leurs graines si légères. Certaines ont même équipé leurs graines d’ailes ou de parachutes pour voyager comme les érables (Acer sp.) avec leurs graines ailées – les samares – ou les pissenlits (Taraxacum sp.) avec leurs fruits-graines parachutes – akènes à pappus pour les puristes – et sur lesquelles les petits comme les grands prennent plaisir à souffler. D’autres utilisent l’eau et les courants marins pour coloniser de nouveaux espaces. C’est le cas du cocotier (Cocos nucifera) qui confie sa graine – la fameuse noix de coco – aux courants océaniques qui vont la transporter vers une nouvelle plage pour donner un nouveau cocotier qui sera la star de nos photos de vacances… Mais attention pas de sieste sous un cocotier ! Sa graine peut dépasser 1,5 kg et nous assommer lorsqu’elle se détache avant de commencer son périple marin…
Parmi l’ensemble des stratégies de dissémination développé par les plantes, l’endozoochorie consiste à confier les graines aux animaux, notamment aux frugivores (oiseaux et certains mammifères), qui mangent goulûment les fruits (cerises, fraises, framboises et autres baies). Les gourmands profitent des qualités nutritives des fruits mais ne digèrent pas les graines qui sont rejetées plus loin. Vous avez deviné par quel moyen ? Du coup les graines sont dispersées et pour le même prix elles profitent de l’engrais naturel libéré par leur moyen de transport ! On se demande si les plantes ne produisent pas des fruits si bons pour que l’on disperse leurs graines un peu partout ???
Il y a même des graines qui ne peuvent germer que si elles sont passées par un tube digestif ! Ce processus fragilise leur tégument afin que l’embryon puisse avoir accès à l’eau ainsi qu’à l’oxygène et faire en sorte que la plantule sorte de sa gangue. C’est l’effet que nous reproduisons en horticulture, lorsque nous faisons tremper des graines à téguments ligneux dans un bain d’acide dilué – mimant les sucs digestifs – afin d’amollir les enveloppes trop dures.
D’autres animaux, comme les écureuils, emmènent les graines pour les stocker dans de multiples garde-manger pour la morte saison. Mais nos copains rongeurs oublient parfois où ils ont caché leur butin, ce qui fait l’affaire des graines (noix, noisettes, etc.) qui ne seront pas grignotées mais pourront germer et donner naissance à de nouveaux arbres.
Il y a « bouger » et « bouger »
Mais ça ne s’arrête pas là ! Car même quand elles sont enfin bien ancrées dans le sol ou ailleurs, les graines continuent à gigoter et s’activer dans tous les sens… En effet, après avoir germé, il faut savoir dans quelle direction faire pousser ses racines, ses branches, ses feuilles et ses fleurs… Les plantes ne disposent pas d’yeux, ni d’oreilles et encore moins de nez pour les guider dans leur environnement. Ce qui ne les empêchent pas d’avoir plus d’un tour dans leur sac. Et oui, les plantes « sentent » où se trouvent le haut et le bas et poussent donc leurs racines vers le centre de la terre (gravitropisme) et lancent leurs tiges et leurs feuilles vers le soleil (phototropisme). Le tournesol par exemple (Helianthus annuus), comme son nom l’indique, tourne sa fleur, dans les stades précoces de son développement, vers le soleil – vers l’est, sud-est pour être précis – puis se fige dans cette position et attire de la sorte les insectes pollinisateurs qui aiment bien butiner au chaud. Et quand on n’a pas les moyens d’avoir une tige ou un tronc solide pour pousser en hauteur toute seule, on peut s’aider des autres plantes alentour ou de n’importe quel support à proximité. La clématite (Clematis sp.) par exemple lance ses tiges et ses pétioles autour d’elle et dès qu’elle a « touché » un support, elle s’y accroche et s’y enroule pour grimper vers le soleil ; la clématite adore avoir la tête au soleil et les pieds au frais ! On parle alors d’haptotropisme.
Dans la même idée, l’akébie à cinq feuilles (Akebia quinata) dispose de tiges volubiles qui s’enroulent plusieurs fois sur elles-mêmes autour de leur support selon une hélice. Dans ce cas, on appelle ces mouvements d’exploration révolutifs, la circumnutation. L’association des deux phénomènes – haptotropisme et circumnutation – permet aux tiges de se développer à de grandes hauteurs.
Il arrive aussi que la terre s’épuise des éléments nutritifs dont la plante a besoin, dans ce cas il faut déménager ! C’est ce que fait le fraisier (Fragaria vesca) en lançant, loin de la plante-mère, de longs stolons qui portent à leur extrémité des fraisiers miniatures. La nouvelle petite plante s’enracine à l’endroit où elle a été propulsée et peut profiter d’une terre fraiche ! Bref, les plantes bougent pas mal au début de leur vie quand elles sont graines, une fois installées elles font grandir leurs organes en fonction de leurs besoins, mais cela ne s’arrête pas là, certaines d’entre elles bougent encore plus vite dans certaines situations.
Nous connaissons tous la dionée attrape-mouche (Dionaea muscipula) – plante carnivore – dont les feuilles modifiées se referment en un éclair sur les insectes avant de les digérer ou encore la sensitive (Mimosa pudica) qui se « fane » en quelques secondes dès qu’un herbivore l’embête un peu dans l’objectif de devenir moins appétissante pour son agresseur. Mais attention, ces mouvements demandent énormément d’énergie à la plante concernée : celle-ci a donc développé des dispositifs de sécurité pour être « certaine » de ne mettre en mouvement ses organes que pour une bonne raison. Chez la dionée, pour que les « mâchoires » se ferment, il est nécessaire de toucher rapidement plusieurs des poils sensoriels localisés sur chacune des valves de la feuille. Et pour la sensitive, le vent n’est pas suffisant pour faire se replier feuilles et tiges : il faut une action mécanique.
Les scientifiques se sont longtemps interrogés sur les mécanismes biologiques responsables de mouvements aussi rapides de la part des plantes, car assurément il n’y a pas de petits muscles sous cette chlorophylle !
Dès que ces plantes reçoivent plusieurs stimulations par contact, un signal électrique se propage de cellules en cellules pour en atteindre d’autres spécialisées et capables de modifier leur forme en conséquence. Ces cellules sont placées à des points charnières d’articulation et, en se déformant, entraînent toutes les autres dans la même direction : la dionée se referme et la sensitive s’effondre. On parle alors de mouvements thigmonastiques.
Même s’il n’y a pas de neurones, il y a quand même de l’électricité qui se promène, comme dans notre cerveau, en fait !
Y a-t-il alors une intelligence chez les plantes ? Ont-elles une conscience ? Peuvent-elles communiquer ? Comment ressentent-elles leur environnement ? Ça, nous en parlerons dans de prochains articles ! Alors dès à présent, faisons comme nos amies chlorophylliennes, restons bien ancrés mais continuons à bouger et nous projeter ;o)
Pour aller plus loin
- Des fruits pulpeux pour disséminer les graines. Christine Dabonneville.
Espèces _ Revue d’histoire naturelle. N°27. Mars-mai 2018. p 69-73.
- Physiologie végétale. Michel Coupé & Bruno Touraine.
Ellipses, 2016. 354 pages.
- Découverte : les plantes en mouvement – Silence, ça pousse ! 17 avril 2019.
Isaia, Lisandru
6 avril 2020at12 h 24 minC’est très intéressant, Je devrais regarder vos articles plus souvent ! OwO
Thomas et Arnaud
12 avril 2020at16 h 53 minMerci Isaia pour ce commentaire ! Avec grand plaisir pour de prochains articles !